La Crise Grecque pour les Nuls – Partie 1

… ou comment un pays cristallise à lui seul les tensions financières au niveau global.

  1. Partie 1 : Le contexte européen
  2. Partie 2 : La Crise de la dette Grecque
  3. Partie 3 : Les solutions proposées
  4. Partie 4 : Les antécédents
  5. Partie 5 : Conclusion
  6. HS : Qui sont les créanciers de la Grèce

Avant-propos :

Le but de cet article n’est pas de créer une polémique ou encore d’essayer de vous convaincre de quoi que ce soit, le but ici est surtout de vous faire réfléchir sur certains faits entourant la crise grecque en revenant à la fois sur le contexte et l’historique de cette crise et de sa gestion, entraînant avec elle plusieurs gouvernements et ayant des répercussions au niveau européen voir mondial. Ce texte n’est pas forcément partisan même si pas tout à fait objectif non plus, mais j’ai essayé d’être le plus clair possible sur le propos. Je ne reviens pas forcément sur tout mais surtout sur les points qui me semblent essentiels à la compréhension de l’état de la crise actuelle.

D’autre part, en aucun cas ce texte ne doit être pris comme une tribune anti-Europe, bien au contraire, seulement, je pense que l’Europe des peuples n’a pas forcément la même porté et la même ambition que l’Europe financière telle qu’elle est actuellement.

Enfin, par essence, le titre « pour les nuls » est juste un clin d’oeil concernant la collection de livres portant cette appellation et non un quelconque jugement de valeur de ma part, ceci pour répondre à certains commentaires qui s’attachaient là-dessus.

Drapeau Europe
Drapeau Europe

Contexte Européen : De quoi parle-t-on ? Quelles sont les règles qui ont été instaurées ?

Un peu d’histoire à ce sujet (Je ne vais pas rentrer dans tous les détails ici mais pour plus d’informations, Vie-publique.fr a déjà fait le boulot dans cet article.)

En Février 1992, les Etats se sont entendus sur le Traité dit de Maastricht (ratifié par la France en septembre 1992 par référendum et mise en application au 1er Novembre 1993) qui va définir l’ensemble des règles budgétaires et financières de ce que l’on appelle maintenant la zone Euro (anciennement Union Economique et Monétaire – UEM). Ce traité défini, pour intégrer cette zone, des critères de convergences afin que les pays se retrouvent à peu près tous dans la même situation. Apparaissent  donc – entre autres – la règle du 3% de déficit des administrations publiques maximum par rapport au PIB (produit Intérieur brut) et la seconde règle des 60% de dette publique des Etats membres maximum par rapport au PIB.

Arrêtons-nous déjà sur plusieurs points[1] :

A cette époque là (on va dire période 80-90) l’Europe comprend 12 membres. L’Espagne et le Portugal ont rejoint le mouvement et tout ce petit monde va signer la même année (1986) l’Acte Unique Européen qui fixe la stratégie de l’Europe pour les années à venir en terme de marché ouvert entre pays membres. La conclusion de ce premier acte sera le Traité de Maastricht en 1992.

A cette période, le déficit public de la France est d’environ 3% du PIB et sa dette publique était de 39.7%. En ce qui concerne la Grèce, par comparaison, et selon les chiffres d’Eurostat[2], la dette publique représentait en 1995 108% du PIB (France : 55.8% en 1995).

Enfin, nous pouvons voir qu’à cette période, l’élargissement de la CEE était sans doute un objectif mais que maîtrise budgétaire et financière ne signifiait pas tout à fait « maîtrise sociale » dans le sens où, dans un marché globalisé telle qui allait le devenir, les acteurs économiques vont avant-tout chercher la rentabilité et donc produire à moindre coût entraînant la délocalisation d’activité, la casse des acquis sociaux, la montée du chômage.. mais nous y reviendrons dans un autre article.

Deuxième réflexion à avoir sur cette construction européenne, les Etats voulaient travailler sur la construction d’un acteur d’échelle européenne capable de tenir tête à des acteurs comme la Russie, les USA ou encore la Chine. Rappelons que nous étions à la fin de la guerre froide, et que toutes les cartes étaient à redistribuer. Mais contrairement à un pays comme les USA par exemple qui, même si je conviens qu’il est plus complexe que cela, se résume en un seul peuple avec une culture commune, alors que l’Europe est une confédération d’acteurs, qui souhaitent s’accorder mais ne possèdent pas les mêmes codes, les mêmes économies et acquis sociaux et de ce fait pour une même activité économique, potentiellement nous pouvons acheter une main d’œuvre beaucoup moins cher que chez nous.

En Juin 1997, les critères de ce premier Traité ont été précisés et complétés par le Pacte de Stabilité et de Croissance adopté par le conseil européen d’Amsterdam. Ce pacte de stabilité renforce les critères cités plus haut et appelle les Etats membres à instaurer plus de rigueur dans leur politique budgétaire et surtout les engage à l’équilibre pour faire face à d’éventuelles crises. Le budget des Etats est audité chaque année par le conseil des ministres de l’économie et des finances (conseil EcoFin) qui se voit présenté les « programmes de stabilité » de chaque Etat avec les prévisions de croissance à 3 ans. Une procédure d’examen et de surveillance est mise en place et les procédures de sanction sont également décidées pour ceux qui ne respecteraient pas les règles(de 0.2 à 0.5% du PIB selon le niveau du déficit). Toutes ces mesures servant entre autres à la mise en place par la suite de la Zone Euro, zone économique dans laquelle l’Euro serait la monnaie courante.

Enfin en 2013, le 1er Janvier, est entré en vigueur le Traité de Stabilité (Traité sur la Stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire) qui instaure d’avantage de discipline (rigueur ? austérité ?) budgétaire dans la zone euro :

« Les éléments saillants de ce texte sont :

  • la « règle d’or » budgétaire et son l’inscription, « de préférence », dans la Constitution ;

  • la correction automatique du non-respect des déficits autorisés ;

  • l’établissement de sanctions de la Cour de justice de l’Union européenne s’agissant de la mise en place des règles d’or dans les ordres juridiques nationaux (amende pouvant aller jusqu’à 0,1% du PIB du pays fautif) et des sanctions quasi automatiques pour les déficits excessifs. »

Il ajoute également le principe du « coupable jusqu’à preuve du contraire » dans le sens où les pays coupables (ceux dont le déficit et/ou la dette publique dépasse les normes retenues) auront des pénalités / amendes à moins qu’une majorité d’Etats s’y oppose.

Le dernier grand mécanisme mis en œuvre est le fond européen de stabilité financière (FESF) qui va être remplacé par la suite par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), qui est un fond de solidarité doté par les pays ayant ratifié le traité et donc qui seront les seuls à pouvoir en bénéficier.

« La solidarité n’intervient que de façon conditionnelle en cas de crise grave, notamment d’absence d’accès aux marchés pour se financer par le Mécanisme européen de Stabilité (MES), qui, par son traité fondateur, doit imposer, en retour, des « plans d’ajustement. »Le sentiment qui ressort de cette nouvelle architecture, c’est bien que l’UE demeure dans une vision très unilatérale des problèmes économiques. »[3]

Mécanisme MES
Mécanisme MES

[1] Pour en savoir plus sur la construction européenne, je vous conseille là encore l’article de vie-publique.fr sur le sujet.

[2] http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=fr&pcode=tsdde410

[3] Et pour aller plus loin sur les mécanismes de contrôle budgétaire et de la pression que met aujourd’hui l’UE sur les pays, je vous conseille de regarder cet article de la tribune qui présente rapidement différentes notions sur le contrôle du budget des Etats par la commission européenne : http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20140406trib000823814/two-pack-six-pack-semestre-europeen-comprendre-pourquoi-paris-tremble-devant-bruxelles.html